La broderie, cet artisanat textile d’exception


Aujourd’hui j’ai envie de répondre à une question qui m’est très souvent posée. C’est même généralement la première question que l’on me pose lorsqu’on découvre mon travail :  “L’idée de faire des tableaux en broderie, d’où ça vous est venu ?” Vaste sujet me direz-vous ! Et pourtant les éléments de réponse constituent encore aujourd’hui mon identité artistique et guident mes choix au quotidien. C’est tout le programme de cet article ! Je vous embarque donc dans ce long voyage rétrospectif à mes côtés.

broderie en cours de réalisation à la main sur un métier à broder

Point de croix : je t’aime moi non plus

Vous me croirez si vous le voulez, mais étant petite je n’aimais pas spécialement la broderie. Parce qu’en réalité je ne connaissais pas la broderie. La broderie pour moi, c’était ces paysages de bord de mer ou ces montagnes rembourrées et encadrées que brodait mon grand-père. Des points comptés à n’en plus finir, synonyme pour moi d’immense ennui du haut de mes 10 ans. Je n’ai d’ailleurs jamais terminé le modèle d’un charmant chalet de montagne qu’il m’avait offert. Difficile de croire que 15 années plus tard, j’expose et je vends entre autres des oeuvres brodées… de points de croix

Broderie géométrique et contemporaine en cours de réalisation par Julie Barbeau

La création textile m’a pourtant rapidement rattrapée. A 14 ans, j’apprends à utiliser une machine à coudre, puis je commence à m’intéresser à la fabrication de vêtements. Je couds quelques robes et mes premiers costumes. J’étudie à ce moment là dans le design et les arts appliqués et lorsque vient le moment de choisir une orientation plus spécifique, je rêve naturellement d’intégrer une école de costume. La magie de la scène de spectacle m’attire, je me vois imaginer, dessiner puis fabriquer tout un tas de costumes délirants pour le théâtre, la danse, le cirque, le cinéma. Je rêve de contribuer à ces univers oniriques, à ces voyages poétiques. J’ai envie de faire rêver, d’émerveiller.

Heureux hasard du destin ou coup de pas de chance : toutes les écoles de costume rejètent ma candidature. Pourtant bien déterminée à retenter ma chance l’année suivante, il me faut trouver un plan B. Je me tourne donc “en attendant” vers une formation de broderie en région parisienne, me disant que cela contribuerait à développer mes compétences textiles.

Tombée d’amour pour la technique

J’apprends alors mes premiers points de broderie et je me laisse guider par les cours en atelier. Au fil et à l’aiguille d’abord pour maîtriser les gestes les plus simples, je réalise mon premier carnet de points. J’apprends ensuite à broder des perles et des paillettes au crochet de Lunéville et à utiliser la Cornély, machine à broder guidée à la main. Dextérité oblige, je me prête volontiers au jeu et à tous ces nouveaux défis techniques. J’ai envie de tester plein de choses, je me sens boostée dans ma créativité. Comme challengée par ce nouvel univers, je brode presque quotidiennement en dehors de mes heures de classe. J’ai envie de progresser, d’améliorer ces petits défauts tremblants qui témoignent de mon expérience encore naissante, en la matière. J’améliore peu à peu la régularité de mes points, la finesse et la précision de mes broderies.

A l’occasion de différents stages, j’entre dans les coulisses du luxe et de la haute-couture. Les techniques apprises à l’école sont celles qui sont quotidiennement travaillées dans les ateliers. On me teste d’abord, puis on me confie la réalisation d’échantillons. On place même mes petites mains parmi celles des autres brodeuses, sur les robes qui défileront à Tokyo ! Je découvre peu à peu un monde que je ne connaissais pas. J’entrevois le potentiel immense que peut offrir la broderie, en termes de création. Le métier à broder s’apparente alors à une grande toile blanche où tout est à inventer. Où tout est possible. L’idée du costume s’estompe dans mon esprit : patronages et machines à coudre ne font pas le poids, face à la richesse de cet artisanat du luxe que je découvre peu à peu. 

Vivement encouragée par mes professeurs, cette année de broderie qui ne devait être que transitoire se transforme en deux ans… puis quatre… et l’envie de toute une carrière professionnelle à mener dans cette direction. Je quitte Paris et je poursuis mon parcours à Rochefort-sur-mer, pour deux ans d’études supplémentaires. J’y apprends les techniques de broderie or que je ne connaissais que très peu, et qui me challengent encore davantage d’un point de vue technique. Précision, régularité et rigueur sont plus que jamais essentielles. Ce sont véritablement les gestes de l’excellence. 

La broderie pour faire vivre les sens et l’émotion

Ces deux années à Rochefort et plus précisément les recherches de mon projet de diplôme me guident peu à peu vers les arts visuels. Contrairement à ce que me demandent mes professeurs, mes broderies n’ont souvent pas d’utilité propre. Elles ne sont pas pensées pour être appliquées à du vêtement, à du bijou, à de l’objet ou à de l’ameublement. Et je suis déterminée à ce que ma broderie ne soit pas ainsi. J’ai simplement envie de créer de l’émotion, des sensations, des expériences immersives et des installations. Je veux jouer avec l’espace, questionner la perception, tromper l’esprit et jouer avec les effets visuels des matières. Comme depuis toujours, j’ai envie de faire rêver, d’émerveiller. J’expérimente des créations sonores, des projections visuelles et des mises en lumière qui modifient la perception de mes broderies. J’enrichis mes références culturelles d’oeuvres graphiques et picturales, d’installations immersives et d’Op Art. C’est à ce moment là que naissent mes expérimentations autour du photogramme. Toutefois pour répondre aux exigences du diplôme, je me dois d’imaginer de potentielles applications à mes créations. Je ne vous cache pas que c’était parfois un peu tiré par les cheveux… 

Qu’à cela ne tienne, une fois mon diplôme en poche et quelques années plus tard, je me suis replongée dans ces recherches. J’ai affiné mes positions en m’attachant à allier dans mes oeuvres l’excellence de la broderie, ses exigences techniques et mes intentions graphiques et sensorielles. Sont alors nées mes premières oeuvres monochromes blanches, ponctuées d’or. 

oeuvre murale de Julie Barbeau posée dans l'entrée d'une maison
oeuvre murale Ellipses de Julie Barbeau dans un salon design
oeuvre murale Sur Fond de Chevrons de Julie Barbeau accrochée au mur d'une salle à mangée design

Positionner la broderie dans les arts visuels, tout en conservant son degré d’excellence et l’élégance qui lui est propre, c’est aujourd’hui ma ligne directrice. C’est un moyen pour moi de témoigner de ce savoir-faire, presqu’encore exclusivement réservé à la haute-couture, pour l’amener dans les galeries, dans les musées, dans les intérieurs ou dans l’espace public. C’est contribuer à la fois à faire connaître ces gestes et ce patrimoine textile incroyable, et à la fois le faire évoluer en accord avec notre monde contemporain. Une façon d’initier aussi sa transmission et sa préservation. 

Vous savez désormais à peu près tout ! Un grand merci de m’avoir lue jusqu’ici. J’espère que ce contenu vous a plu et si c’est le cas, je vous encourage à le partager à tous ceux à qui cela pourrait plaire. Faites-moi part aussi de vos réactions, de vos questions ou de vos commentaires en commentaire de cet article, par mail ou sur les réseaux sociaux, cela m’est très utile pour continuer à vos donner un peu plus de moi et de mon univers, à chaque nouveau mail. 

On se retrouve très vite !

Julie