Histoire d’une oeuvre d’art : Pluie d’après Jours


Bienvenue au coeur de l’histoire de la création de l’oeuvre Pluie d’après Jours, achevée en mars 2020. Pour en comprendre le processus, je vous propose d’embarquer avec moi quelques années en arrière, lors de mes premières expérimentations autour du photogramme, des processus de photographie argentique et du tirage d’art en noir et blanc.

oeuvre murale "Pluie d'après Jours" de Julie Barbeau en situation dans un salon scandinave

L’installation de ma toute première chambre noire

Ce tableau s’inscrit dans la continuité d’une démarche initiée à l’occasion de mon projet de diplôme en 2017. À cette époque, je me lance dans diverses expérimentations hybrides entre la broderie et la photographie argentique – un processus qui me fascine autant qu’il me questionne. Dans un coin de ma cuisine d’étudiante, la nuit et les volets calfeutrés, je m’improvise une chambre noire et je me laisse saisir par la magie de ces images en noir et blanc qui naissent dans mes bains de chimie. Je m’aperçois que ce sont les densités, les opacités et les transparences d’un négatif qui dessinent l’image sur le papier photographique. Je décide de traduire ces principes au travail du textile et j’accumule ainsi des images, issues de mes broderies.

Mon appropriation du photogramme

photogramme réalisé par Julie Barbeau

Il existe une technique en broderie, qui consiste à regrouper les fils de chaîne du tissu en petits faisceaux, afin de créer des jours – sortes de petites ouvertures très graphiques qui dessinent des motifs. Ce sont ces jours qui sont à la base de la création de l’oeuvre Pluie d’après Jours. 

Première étape donc, je dépose une broderie de jours sur un papier photosensible en chambre noire, que j’expose à la lumière puis que je développe de façon artisanale afin de faire apparaître l’image. Selon le temps d’exposition choisi, le papier noircit plus où moins. Les zones recouvertes par la broderie restent blanches. L’image formée sur le papier résulte ainsi des propriétés de ma broderie initiale. Cette image, obtenue en noir et blanc, est appelée photogramme. C’est le procédé qu’utilisait Man Ray à l’époque surréaliste, pour créer des images.

De multiples petits tirages photographiques en noir et blanc remplissent désormais mon bureau. Je sélectionne dans certains d’entre eux les zones qui m’intéressent le plus. Je les numérise, puis je bascule sur Photoshop afin de concevoir un nouveau visuel à partir des zones extraites. Après plusieurs essais, j’obtiens enfin ma composition finale. Le visuel est ensuite imprimé sur un satin de soie-coton par l’entreprise choletaise eMode. Le tissu que je choisis est d’une couleur un peu beige, ce qui teinte mon motif – initialement en noir et blanc, en un vert sombre… Cela n’était absolument pas prévu, mais je trouve finalement cette teinte intéressante ! Quelques mois plus tard, ultime étape, je retourne sur le métier à broder. Nous sommes alors en février 2020. Il aura ainsi fallu quelques années avant que je ne décèle dans ces photogrammes, un intérêt suffisamment satisfaisant pour en faire émerger une nouvelle oeuvre !

De l’image photographique au textile

Une fois le tissu tendu sur le métier, je reprends aiguilles et ciseaux puis je me laisse guider, presque instinctivement, par le rythme de la composition. J’y brode exclusivement des fils métallisés de couleur or, qui me semblent répondre parfaitement à ce vert sombre créé par la couleur du tisse. Les fils sont brodés d’une part au point de chaînette, au crochet de Lunéville et d’autre part, selon la technique de la couchure, une technique de broderie métallique qui consiste à ne pas faire passer les fils sur l’envers du tissu. Un petit fil de maintien permet d’en orienter le tracé, par de petits points réguliers. Après une bonne vingtaine d’heures à broder, l’oeuvre est ainsi achevée… 

Les pistes sont alors brouillées. Qu’est-ce qui relève de l’image imprimée ? Qu’est-ce qui est réellement brodé ? Par cette oeuvre, je soulève des questionnements relatifs à la perception. Quelle est la réalité de ce que nous voyons ? Est-ce réel ? N’est-ce que la représentation du réel ? L’illusion et la confusion de l’esprit ne se dissolvent que lorsque nous nous approchons, de très près, du tableau. Si proches de l’oeuvre, nous prenons alors conscience que chaque fil or est brodé à la main. Nous mettons en relation la vision de loin que nous avons perçu du motif et l’appréciation des moindres détails.

détail de l'oeuvre "Pluie d'après Jours", brodée à la main de fils or par Julie Barbeau

Déclinaison du photogramme par la sérigraphie

Quelques temps après, j’ai eu envie de décliner le motif initial de Pluie d’après Jours. Trois illustrations adaptées à la sérigraphie d’art, tirées à la main et en édition limitée sont alors nées. Au total, douze exemplaires de chaque modèle ont été imprimés, tous numérotés et signés. Certains d’entre vous les connaissent bien ! Pas de broderie réelle ici donc, mais deux encres – une noire mate et une or pailletée – appliquées sur le papier pour reproduire la composition. Les motifs représentés sont bel et bien issus de ces mêmes photogrammes, nés en 2017. Pour ceux qui voudraient se laisser tenter, ces illustrations sont à retrouver sur l’Espace boutique de mon site.

L’oeuvre Pluie d’après Jours n’a désormais plus aucun secret pour vous ! Après vous avoir plongé au coeur de l’oeuvre, une petite note pour simplement vous dire que je vous encourage à réagir à mes articles, répondez-y et dites-moi si le contenu et le format vous plaisent ; dites-moi ce que vous aimeriez y lire les fois suivantes. Et si ces petites histoires vous envoûtent, partagez-les autour de vous !

On se retrouve très vite,

Julie